Vanille brésilienne : l’Embrapa inaugure une banque de germoplasme inédite pour sauver et valoriser l’espèce
Le Brésil se dote de son premier centre de conservation génétique dédié à la vanille, un trésor botanique dont l’arôme est le plus convoité du globe. L’objectif est double : préserver la richesse de ses espèces sud-américaines méconnues et soutenir l’amélioration génétique pour structurer une filière encore trop dépendante de l’extraction sauvage.
Un patrimoine génétique sud-américain unique au monde
La Banque Génétique de l’Embrapa (Entreprise brésilienne de recherche agricole), déjà l’un des cinq plus grands référentiels génétiques mondiaux, vient d’inaugurer la première collection nationale dédiée à l’orchidée Vanilla.
Avec plus de 70 accessions (échantillons) du genre Vanilla, ce premier banco de germoplasma (banque de germoplasme) brésilien est unique au monde pour le volume significatif d’espèces originaires d’Amérique du Sud qu’il rassemble. La vanille est une espèce rare dans les collections génétiques mondiales ; les plus notables étant celles du Cirad (France) à La Réunion, et celles de l’Université de Californie ou de l’Institut Indien de Recherche sur les Épices (IISR).
Cette collection stratégique permettra d’atteindre plusieurs objectifs majeurs pour le Brésil :
-
Soutenir l’amélioration génétique en fournissant des gènes d’intérêt agronomique.
-
Subventionner la domestication de la vanille au Brésil, dont la production est aujourd’hui quasi exclusivement extractive.
-
Assurer la préservation des espèces nationales, encore peu étudiées.
L’enjeu de la résistance aux maladies et de la haute gastronomie
L’arôme de la vanille, extrait de différentes espèces d’orchidées (Vanilla spp.), est le plus populaire et le plus utilisé dans le monde, intégrant les glaces, les pâtisseries, les boissons, mais aussi 97 % des parfums et des cosmétiques. Cette demande mondiale est actuellement supérieure à l’offre.
Pour le chercheur Roberto Vieira, chef du projet à l’Embrapa Ressources génétiques et Biotechnologie, la collection est inédite car « le Brésil possède d’innombrables espèces sauvages du genre Vanilla qui n’ont jamais été exploitées et qui ont récemment acquis une valeur, pouvant être utilisées non seulement dans le segment de la gastronomie, mais aussi dans l’industrie cosmétique. »
La banque de germoplasme est également vitale pour faire face aux menaces sanitaires. La vanille est très sensible aux viroses et aux champignons, notamment le Fusarium, qui est critique pour les cultures. Les chercheurs espèrent trouver dans le matériel génétique collecté des gènes de résistance à ces maladies, un soutien indispensable pour les petits producteurs.
Du Cerrado à la table mondiale : l’appel de la diversité
La chaîne de production de vanille au Brésil est peu structurée. Elle repose sur l’extraction des fruits, tandis que l’information technique disponible concerne principalement Vanilla planifolia, l’espèce mexicaine cultivée à travers le monde (Madagascar en étant le premier producteur).
Les scientifiques de l’Embrapa s’attèlent à combler ce manque d’informations pour les producteurs sur les espèces locales. L’objectif est de passer du modèle extractif à un véritable protocole de culture domestiquée.
Bien que le genre Vanilla soit présent sur l’ensemble du territoire, trois espèces sont jugées d’intérêt économique ou à potentiel : Vanilla bahiana, V. chamissonis, et V. pompona.
Les espèces brésiliennes, notamment celles du Cerrado, possèdent des caractéristiques aromatiques uniques et différenciées par rapport aux variétés internationales dominantes (Bourbon, Tahitensis). Elles possèdent plus de deux cents composés aromatiques – la vanilline n’en étant qu’un seul. C’est cette richesse qui leur confère un potentiel pour conquérir des marchés exigeants, notamment celui de la haute gastronomie.
L’ascension de la vanille brésilienne a été lancée par le chef danois Simon Lau, établi à Brasília, qui a introduit ces fèves gigantesques du Cerrado dans la haute cuisine. Depuis, des chefs de renom intègrent l’ingrédient à leurs recettes, confirmant son potentiel sur la scène gastronomique mondiale.
Vanille Sauvage – Vanilla Dubia Minas Gerais – Brésil
Les défis de l’extraction et de la valorisation locale
L’ingrédient est utilisé par les habitants de l’État de Goiás depuis plus de 200 ans, notamment à des fins médicinales (traitement de la toux et des inflammations respiratoires). Cependant, l’engouement actuel a conduit à un extrativisme désordonné.
Il faut savoir pour que la vanille brésilienne gagne durablement le marché, la chaîne de production doit être structurée et durable. Il faut arrêté de vendre en France des vanilles sans analyse ou qui viennent dans les bagages comme nous le voyons actuellement.
Le Comptoir de Toamasina a dû arrêter la vente de vanille du Brésil en 2021 en Janvier en raison de mauvaise analyse.
Aujourd’hui, l’écart de prix entre la vente locale et le prix sur internet partout dans le monde et surtout pour la vanille malgache témoigne du manque d’organisation et de l’urgence d’établir un processus équitable qui profite aux agriculteurs familiaux.
Aujourd’hui, en plus en France, on voit des malgaches vendre de la vanille à bas prix uniquement pour gagner de l’argent et l’envoyer à Madagascar sans payer les obligations légales.
Le travail de terrain de l’Embrapa a déjà permis de collecter une trentaine de plants dans des municipalités comme Nova América (anciennement appelée « Baunilha ») et Itapirapuã, avec la collaboration de la population locale. Ce matériel est essentiel pour les études et les expériences futures, visant à identifier les meilleures espèces pour la commercialisation.
L’initiative de l’Embrapa, allant de la recherche d’une meilleure base génétique à la diffusion de guides techniques pour les producteurs, vise à sortir du modèle d’extraction pour assurer un développement durable et une agrégation de valeur à ce produit local d’exception.
Voulez-vous en savoir plus sur les différentes espèces de vanille brésilienne (V. bahiana, V. pompona, V. chamissonis) et leurs profils aromatiques spécifiques ?
